Regarde. Vraiment
Regarde. Vraiment
Il y a sans doute un endroit où tu passes tous les jours. L’endroit, qui est sans intérêt. D’une banalité absolue. Tu n’as sans doute pas le temps de t’arrêter ou de te poser des questions idiotes sur cet endroit. Tu as autre chose à penser que cet endroit.
Mais un jour, tu passes par cet endroit et tu... regardes. Tu regardes vraiment. Et tu comprends. Tu comprends que tout est connecté et que tout est en harmonie. Que cet endroit d’une insignifiance totale fait partie de l’univers et qu’il est exactement comme il doit être. Tu comprends qu’il n’y a pas, et qu’il n’y a jamais eu, de questions à se poser sur les pourquoi et les comment. Tu regardes le monde d’un oeil différent. Très rapidement, le bruit mental reprend le contrôle et tout redevient comme avant. L’endroit en question est de nouveau banal et insignifiant et tu repenses à tous tes problèmes. Or, d’une certaine manière, ce moment a tout changé. Et, au fond de toi, tu le sais.
La vie est une drôle d'affaire. Tu passes des années à prouver quelque chose à toi et à ton entourage. Tu cours pour avoir toujours plus, plus de souvenir, plus de possessions, plus de succès. Tu cherches à te distraire, à ne pas penser à ta condition humaine, aux échecs, aux regrets, aux trucs que t’as pas réussis.
Dans la vie, certains moments peuvent générer de l'inconfort. Il peut s'agir d'une confrontation, d’un conflit ou d'une émotion forte. Imaginons par exemple une conversation difficile ou gênante à laquelle nous ne pouvons pas échapper. S’échapper - c’est justement la stratégie que notre cerveau met en avant face à de l’inconfort. Or, faire face à l’inconfort ressenti peut être bénéfique sur plusieurs niveaux. Nous tentons peut-être une promotion au travail, ou nous voulons parler à une personne qui nous plaît. Nous échapper et éviter la conversation ne nous procurera pas de promotion, et ne créera pas une nouvelle connaissance.
Si vous êtes humain, vous n’êtes pas parfait. Si vous avez entrepris des choses, il y a de fortes chances que vous ayez fait des erreurs.
Le moment de transition entre l'année écoulée et l'année qui nous attend est idéal pour faire une introspection.
Si vous ne vivez pas dans une cave, vous avez sans doute remarqué que le sujet du trauma et de la santé mentale est devenu plus présent dans le débat public. S’il vous arrive d’en parler, vous avez peut-être également remarqué que cela s'avère plus compliqué que prévu. Notamment quand on en parle à travers les différentes générations.
La peur est l’émotion qui accompagne l'homme depuis la nuit des temps.
Bon. Nous ne pouvons plus fermer les yeux devant le fait que les émotions fassent partie intégrante de notre existence. Il nous a fallu des siècles pour arriver à cette réalisation. Bien qu’une prise de conscience soit primordiale, il nous faut maintenant avancer et agir. Il nous faut reconnaître la place de l’émotion dans le débat public, dans l’éducation de nos enfants ou dans les small-talks lors des soirées. C’est là que les ennuis commencent. Comment faire? Comment en parler? Ou faut-il lâcher l’affaire et laisser le travail aux futures générations? Le sujet est à traiter immédiatement. Avec deux points à souligner:
Il n’est pas facile de maîtriser quelque chose que nous n'avons jamais appris. Écouter quelqu’un va de soi, nous sommes juste censés le savoir, l’apprendre au passage. Tant de choses sont plus importantes. Comme parler, par exemple. Pour apprendre à bien parler, nous pouvons lire des livres, regarder des vidéos, participer à des séminaires et ainsi de suite. Toute la culture tourne autour de cela. En revanche, très peu de ressources s’offrent à nous quand nous nous intéressons à l’écoute en tant que discipline principale.
Quand nous y réfléchissons, nous nous apercevons que personne nous a explicitement appris à écouter. Nous savions que c’était probablement nécessaire dès le plus jeune âge. L’absence de l’écoute a d’ailleurs souvent été présentée comme une menace - si tu n’écoutes pas, tu seras puni.e/ privé.e de ....... Cela nous a franchement pas motivé à le faire mais nous n'avions pas trop le choix. Nous le faisions par obligation. En grandissant, nous pouvions écouter davantage que ce dont nous avions envie. Nous avons développé une écoute sélective. Personne nous en empêchait car tout était toujours plus centré sur le parler - nous devions bien nous exprimer. Mais écouter? Cela était secondaire. Nous le maîtrisions, en plus. Tout le monde sait comment écouter.
Or, écoutons-nous vraiment? Pour des fins d'exploration personnelle, pourquoi ne pas remplacer l’écoute sélective par une écoute active?
Savoir bien maîtriser cette discipline a priori banale est bénéfique sur tous les plans de notre quotidien. Pour vraiment écouter quelqu’un, nous devons d’abord être là, présent. Faire une pause dans le flux incessant de la pensée. Quand nous écoutons quelqu’un, nous reconnaissons que notre expérience (aussi similaire qu’elle soit à ce que nous venons d’entendre) n’est tout simplement pas la même chose. Non, nous ne savons pas comment se sent la personne exactement. C’est impossible. Quand nous écoutons quelqu’un, nous n'offrons pas de conseils qui n’ont pas été sollicités. Nous ne jugeons pas. Nous n’avons pas besoin de se mettre à la place de quelqu’un, nous avons juste besoin de l’écouter. Et la suite? Si nous avons bien écouté, nous n’avons pas besoin de nous poser cette question.
La réaction à ce que nous venons d’entendre peut tout simplement être J’entends ce que tu dis. De là, toutes les portes s’ouvrent devant nous.
La philosophie du scepticisme attribuait une grande importance à l’idée de la suspension du jugement. Mais à quoi bon d’évoquer le sujet maintenant? L’heure n’a peut-être jamais été plus propice pour s’intéresser au concept d’épochè - suspension du jugement... Nous pourrions laisser tomber cette idée et laisser les choses telles qu’elles sont. Or, ici sur Plume Nacrée, on aime bien sortir des sentiers battus et travailler sur soi.